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Recueil n° 4 – 2015 5
LE MIROIR
(80 x 60 cm - huile sur toile)
est également un très bel exemple de sa virtuosité technique.
Il confère à l’exposition tout son sens car le miroir physique représenté sur la toile est, en réalité, celui de l’âme. Le di
scours
explicité par l’artiste n’est autre que celui d’un
dédoublement
: le sujet réfléchi dont nous ne voyons que le dos, à l’avant
-plan, et
son reflet dans le miroir, conçu comme espace d’arrière
-plan. À ce stade, posons-nous une question : quel (et non « qui ») est le
véritable sujet de cette œ
uvre ? Est-ce le
dos
du personnage féminin, amputé de son visage formant un volume dont la présence
occupe l’avant
-
plan de l’espace scénique ? Est
-ce alors le reflet de ce même personnage qui, dans la lumière du miroir, nous
dévoile son
visage
? Où donc se
trouve l’
identité
du sujet ?
S’agissant d’un dédoublement, le personnage est présenté de biais
face à son double. Son reflet est campé dans une excellente exposition du buste tourné de profil par rapport au visage, conçu en
plan. Celui-ci est compris à l
’intérieur de la coiffure divisée par la frange. Tout part des sourcils pour aboutir aux pommettes
dessinées en triangle se terminant vers le
bas. On a le sentiment d’être en face d’un
masque
. Qu’y a
-t-il derrière celui-ci ? Le
traitement de la couleur signifiant la lumière est tout aussi excellent : il décline un contraste entre la blondeur « or » de la
chevelure du personnage et l’univers irradiant du miroir exhalant une lumière dorée tirant sur le vert. Intéressante est auss
i la
conception de la lumière
enveloppante émanant du miroir que l’on retrouve également en
-dehors de la source réfléchissante, soit
à l’extrême droite de la toile, détachée du cadre, lui
-même conçu en jaune-or.
L’univers de
JACQUELINE KIRSCH
est, comme nous l’avons vu, bercé par l’image de l’enfance. Certaines de ses œuvres
picturales représentant des enfants ont pour origine des photographies. Il y a manifestement dans sa peinture non pas une
volonté de portraiturer au sens propre, historique du terme mais bien d’assurer une volonté d
e portrait dans son sens le plus
symbolique.
Et ce symbolisme compris comme « idée », « image »
se retrouve dans l’expressionnisme des mains
, entendu comme un désir
d’amour, d’appel à la tendresse. Les mains semblent être d’ailleurs l’un des thèmes de prédilection de l’artiste dans la palette de
ses expressions. Des peintures ne figurant pas dans l’exposition représentent un rendu extrêmement poignant de mains qu’elle
a
peintes dans le passé. Elles traduisent l’âme humaine d’une façon tout aussi criante que
celles actuellement exposées dans ses
toiles. Si l’on va au tréfonds des choses, l’on s’aperçoit qu’en dernière analyse, les mains sont aussi
« parlantes » que le visage.
Parce qu’elles portent en elles un vécu, à la fois humain et
social. Et cette contraposition des mains et des visages est un thème
central de l’Histoire de l’Art.